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Que s'est-il passé dans la tête de Bernadette
Mérou, cette jeune fille retrouvée au bas de la corniche
par un pluvieux dimanche de janvier ? Suicide ? Meurtre ? Le mystère
reste entier car si la jeune fille en est ressortie vivante, sa mémoire
a, quant à elle, refermé une lourde porte sur ses secrets.
Mais bientôt, le passé refait surface sous la forme d'Alphonse
Ludulic, un vieillard malmené par son neveu et reclus dans une
maison de retraite. Quels étaient les liens entre Bernadette et
lui ? Pourquoi semblait-elle tant s'intéresser à son cas
? Quelles ombres planent sur les derniers jours de Bernadette ? Bien des
questions que tenteront de résoudre les membres de sa famille...
au péril de leur vie ?
Une ambiance froide, parfois malsaine, un rythme dans l'ensemble assez
soutenu, un dénouement inattendu et l'écriture, fine, de
Jean-François Coatmeur, le tout dans un polar plutôt bien
mené et qui vous fera passer un bon moment de lecture !
La première
nuit, d'abord, la plus horrible. On est là, dans un vestibule d'hôpital,
posée sur un banc comme un paquet oublié, impuissante, et
on sait qu'à cette seconde, à quelques mètres, sous la lumière
crue d'une chambre de vivisection, des spectres masqués martyrisent
le corps de votre enfant. On voudrait hurler, on se tait, il n'y a personne
pour entendre votre cri, sinon le factionnaire impassible à son
guichet, le couloir est désert et nu comme un quartier de la mort.
Une "blouse blanche" solennelle tout à l'heure a énoncé :
- Traumatisme crânien avec hémorragie intracérébrale
et hématome sous-dural. Nous allons procéder à la trépanation.
La technique par aspiration ne présente aucun problème de
principe. Attendez.
On attend depuis un siècle. Chaque bruit de pas à l'extrémité
du corridor vous remet debout. S'amène un professionnel affairé
et, de loin, on essaie de lire un verdict sur la face blafarde qui passe
sans vous voir.
Mais non, Line n'est pas seule, quelqu'un se tient auprès d'elle,
il ne l'a pas quittée, sa main jamais lassée rattrape la
main qui se dérobe et sa voix enrouée se tue à lui inculquer
une espérance qu'il n'a pas. Théo, le compagnon assidu de
la mauvaise chance. Des heures côte à côte, à
réchauffer l'une contre l'autre leurs deux angoisses, dans la grande
débâcle des cerveaux, aux prises avec la même pensée,
mille fois écartée et qui sans cesse exhibe ses crocs :
cela dure trop longtemps, quelque chose n'a pas marché, elle est
morte.
- On est dimanche, Théo. On dit que c'est un mauvais jour dans
les hôpitaux, qu'on tombe souvent sur des remplaçants...
- Des bobards. Tu te fais inutilement mal.
Théo est sage. Le professeur Bertioux a pu être joint à
son domicile, il est accouru.
- Tout s'est déroulé normalement, dit-il.
Il a bien voulu les recevoir dans un bureau. C'est encore la nuit. Bertioux
a une belle figure de prince du scalpel. Il sent la lavande Roger et Gallet.
La clarté du tube au néon patine sa face ivoirine que la
barbe de l'aube bleuit au menton. Il expose le cas. Bertioux est précis,
cartésien. Il ne les regarde pas, il tient à marquer les
distances avec ses solliciteurs, il contemple ses mains savonnées
de frais qu'il a étalées sur la table, ou, s'il relève
la tête, il prend immédiatement de la hauteur, s'envole au-dessus
des deux épaves écrasées à ses pieds. Il est
en train de faire un cours à ses carabins, songe Line, révoltée.
Elle l'écoute pourtant avec passion, elle est collée aux
lèvres minces qui soupèsent minutieusement les chances de
survie, elle enregistre les termes cabalistiques et terribles : "coma
dépassé...", "période critique...", "surveillance sous monitoring..."
Voilà, la messe est dite, le grand prêtre est fatigué
et vous salue bien.
Des heures, des jours, des semaines. La limite cruciale a été
franchie, Bernadette vit. C'est ce qu'on répète à
Line et ce doit être vrai. Cette momie enturbannée, criblée
de tuyaux, dont elle n'entrevoit de loin, à travers une vitre,
que les traits noirs des yeux clos dans la lucarne du bandage, cette gisante
inerte sous sa tente aseptisée, oui, cette chose est sa fille.
Bernadette vit. Dans ce cadavre blanc un cur bat, dit-on, le sang
va son chemin, le phénomène est indiscutable, cadrans et
diagramme l'attestent... De temps en temps, Line croise un interne qui
est venu s'assurer que le machine tourne en pinçant le sein de l'allongée.
- C'est tout bon, madame. Réflexes cent pour cent satisfaisants.
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