Chocolat
                      Joanne Harris
 
  Editions Quai Voltaire
  2000
  333 pages
Note : 17/20

Qui est donc cette femme mystérieuse qui ose briser les lois tacites d’un petit village de campagne en venant installer sa confiserie, « La céleste praline », le premier jour du Carême ? Un peu bohème, un peu sorcière, ayant traversé mille contrées, Vianne Rocher n’a pas l’âme d’une conformiste. Aidée de sa fille Anouk, elle va faire redécouvrir la vie aux habitants de Lansquenet sous Tannes. La population locale n’a effectivement que peu de distractions. La vie s’écoule paisiblement sous l’œil « bienveillant » du curé Reynaud, cet homme rigide et étrange. Ne cache-t-il pas lui aussi quelques secrets ? Pourquoi tant d’animosité face à Vianne Rocher ? Mais la jeune femme n’a pas dit son dernier mot… Seuls les souvenirs trop tenaces pourraient encore avoir raison d’elle.
Enfin un roman qui change ! Tout plein de mystère, de sentiments et d’odeurs sucrées, « Chocolat » nous fait non seulement saliver mais aussi plonger dans un univers presque hors du temps. Il n’est en effet fait mention d’aucune date au début du roman et l’on pourrait très bien s’imaginer que l’histoire se déroule dans les années 50 tant les mœurs du village semblent arriérées. Pourtant, nous sommes bien à l’époque actuelle… mais l’auteur, bien qu’étrangère, a parfaitement su décrire des mentalités encore en vigueur dans certains petits villages français. C’est très bien écrit, c’est un peu magique et on ne s’ennuie pas un instant.

Je connais les friandises préférées de chacun. C'est un don, un secret professionnel, comme une diseuse de bonne aventure lisant les lignes de la main. Ma mère se serait moquée de ce gaspillage de mes talents, mais je n'ai nulle envie de sonder davantage la vie de ces gens. Je ne veux pas de leurs secrets ni de leurs pensées les plus intimes. Je ne veux pas non plus de leurs pensées les plus intimes. Je ne veux pas non plus de leurs angoisses ni de leur gratitude. Une alchimiste timorée, voilà de quoi elle m'aurait qualifiée avec un mépris bienveillant, à exercer ainsi une magie domestique quand j'aurais pu accomplir des prodiges. Mais j'aime bien ces gens. J'aime leurs préoccupations aussi dérisoires qu'égocentriques. Je sais lire leurs yeux, leurs bouches, tellement facilement : celle-ci, avec son soupçon d'amertume, va raffoler de mes zestes d'orange confits ; celle-ci, avec son doux sourire, mes abricots fourrés au coeur si moelleux ; cette petite fille aux cheveux ébouriffés par le vent va adorer les mendiants ; cette femme vive et joyeuse, les noix du Brésil au chocolat. Pour Guillaume, les florentins dégustés avec délicatesse au-dessus d'une soucoupe dans sa maison bien rangée de célibataire. Le goût de Narcisse pour les truffes aux deux chocolats révèle sa bonté de coeur sous son extérieur bourru, Caroline Clairmont rêvera cette nuit de caramels mous et elle se réveillera affamée et de mauvaise humeur. Quant aux enfants... des copeaux de chocolat, des pastilles de chocolat blanc ornées de vermicelles de couleur, des pains d'épice à bordure dorée, des fruits confits dans leurs nids de papier plissé, des pralines, des rochers, des craquelins, des assortiments de débris dans des boîtes d'un demi-kilo... Je vends des rêves, de menues consolations, d'exquises tentations inoffensives pour qu'une multitude de saints dégringolent de leur piédestal et viennent se fracasser au milieu des noisettes et des nougatines. Est-ce si terrible ?

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