|
Pourquoi
les éléphants ont-ils une trompe si longue ? Les rhinocéros,
la peau toute plissée ? Et le crabe, des pinces pour se déplacer
?
Si la science et la religion n'ont pas encore répondu à
toutes vos questions à ce sujet, lisez Histoires comme ça
!
A l'image des bébés qui naissent dans les choux, Rudyard
Kipling tente de trouver des réponses très poétiques
à ces vérités toutes faites. Après tout, sa
version en vaut bien d'autres plus rationnelles. Mais seul celui qui a
su conserver une âme d'enfant pourra s'émerveiller de ces
récits cocasses où l'écriture multiplie les pirouettes
pour nous étonner. Kipling joue sur les mots, en invente de nouveaux
et nous fait tourner la tête ! Entre Hérissé-Hirsute
le hérisson, Massive-Poussive la tortue, Dingo Chien-Jaune et les
multiples surnoms et adjectifs dont Kipling abreuve le texte, il y a de
quoi en perdre son Latin. Et son sérieux. La leçon à
retenir est peut-être qu'il ne faut jamais cesser de rêver...
Le
Parsi enleva son chapeau ; pour sa part, le Rhinocéros enleva sa
peau et la jeta sur son épaule pour descendre jusqu'à la
plage se baigner. En ce temps-là, elle se boutonnait par en-dessous
avec trois boutons et elle ressemblait à un imperméable.
Le Rhinocéros ne dit pas un mot à propos du gâteau
du Parsi parce qu'il l'avait tout mangé ; il n'a jamais connu les
bonnes manières, pas plus à cette époque-là
que depuis lors, et il ne les connaîtra jamais. Il entra directement
dans l'eau en se dandinant et il se mit à faire des bulles avec
son nez, après avoir laissé la peau sur la plage.
Un instant plus tard, le Parsi approcha, trouva la peau, et il eut un
sourire qui lui fit deux fois le tour de la tête. Alors il tourna
trois fois autour de la peau en dansant et se frotta les mains. Puis il
alla jusqu'à son campement et remplit son chapeau de miettes de
gâteau car il ne mangeait jamais rien d'autre et il ne balayait
jamais son campement. Il ramassa la peau et il la secoua, il frotta cette
peau avec force et il y incrusta autant de vieilles miettes sèches,
dures et chatouillantes qu'elle pouvait en contenir, sans oublier quelques
raisins brûlés. Puis il remonta en haut du palmier et attendit
le moment où le Rhinocéros sortirait de l'eau et remettrait
sa peau.
Ce que fit le Rhinocéros. Il boutonna les trois boutons et il sentit
des chatouillements comme quand il y a des miettes dans un lit. Alors
il voulut se gratter et ce fut pire. De même que lorsqu'il se coucha
sur le sable et se roula à n'en plus finir : à chaque tour,
les miettes le chatouillaient de pis en pis. Alors il courut jusqu'au
palmier et se frotta contre l'arbre à n'en plus finir. Il se frotta
tellement et si fort que sa peau forma un grand pli sur les épaules,
et un autre pli en-dessous, là où se trouvaient les boutons
auparavant (à force de se frotter, il les avait perdus), et il
y eut encore d'autres plis qui se formèrent sur ses pattes. Cela
ne lui arrangera pas le caractère mais cela ne dérangea
pas du tout les miettes. Elles étaient à l'intérieur
de sa peau et elles le chatouillaient. Alors le Rhinocéros s'en
retourna chez lui, vraiment très en colère et horriblement
écorché ; et de ce jour-là à celui-ci,
tous les Rhinocéros eurent des grands plis sur la peau et très
mauvais caractère, tout ça à cause de miettes à
l'intérieur.
|
|