La ville de nulle part
                Alison Lurie
 
 
 
Note : 16/20

La ville de nulle part, c'est Los Angeles, une ville où n'existe ni le passé ni l'avenir, où seul un présent irréel et discontinu se déroule sans laisser de traces ni de perspectives.
C'est une ville où, dans cette Amérique des années 60, l'on croise des beautés beatniks telles que Cécile qui vous emmènent à la découverte de ce nouvel art de vivre. C'est aussi une ville où l'on peut partir à la découverte de soi-même par la transgression des tabous...
Il y a eu Les chroniques de San Francisco, "La ville de nulle part", c'est un peu les "Instantanés de Los Angeles" : portrait sans contrainte d'une ville sans complexe.
Mais ce roman, c'est aussi et surtout l'histoire de Paul et Katherine, deux êtres si différents qu'on se demande bien ce qu'ils font ensemble. Fraîchement débarqués de la Nouvelle-Angleterre, ils sont loin d'avoir la même vision de Los Angeles. Paul s'y sent comme un poisson dans l'eau tandis que Katherine, grincheuse perpétuelle semble-t-il, mène un combat quotidien contre une sinusite chronique. Le problème est qu'elle, la fille de l'est, déteste cette ville ; tout lui semble si factice et détaché du temps. Elle donnerait n'importe quoi pour rentrer en Nouvelle-Angleterre tandis que Paul se voit déjà en train d'habiter Venice, le quartier des beatniks.
Mais le plus méchant des deux n'est pas celui qu'on croit...

« Kathy » fit Paul, en lui passant les bras autour de la taille. Il l'attira sur sa poitrine. « Ne te fais pas tant de soucis. Ce n'est qu'une ville comme une autre.
- Non, c'est faux. C'est une ville qui ne ressemble à aucune autre. Pense à ces espèces de monstres que nous avons vus à l'aéroport, ces petites filles habillées en femmes, cette vieille aux cheveux orange, cet homme qui n'avait pratiquement sur lui qu'un slip de bain. Et les maisons. Tous est si exagéré, si artificiel. Je n'aime pas ces lis, enfin ces fleurs qu'on cultive à cette époque de l'année, ni ces pêches. J'aurais peur d'en manger une, vraiment.» Elle rit.
« Tu es sotte. Tu viens juste d'arriver» protesta Paul.« Tu n'as encore presque rien vu de Los Angeles. Tu ne devrais pas avoir tant de préjugés. Il ne faut pas te laisser influencer par la réputation qu'on a faite à la Californie dans l'Est. Los Angeles est une ville comme les autres. Des milliers de gens y vivent et y travaillent normalement.
- Eh bien, eux aussi me font peur» , dit-elle, à moitié sérieusement cette fois. « Je pense au moment où je devrai faire leur connaissance et où ils me regarderont tout en disant : Qui est-ce ? Quelle est sa raison d'exister ? Pour toi, ça n'est pas la même chose. Tu as une raison d'être ici : tu as un job, un bureau, quelque chose à faire. Moi, ici, je ne suis rien. Personne ne me connaît, personne ne veut de moi et je suis vraiment un peu nerveuse.» Elle rit encore, mais sans joie ; il faisait trop sombre à présent pour que Paul vît son visage.

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