Quand elle avait rouvert les yeux, elle avait vu les traces de brûlures sur le torse, le ventre, les cuisses. Non, elle ne voulait plus les regarder. Elle détourna ses yeux du sexe mutilé de Gianni. Elle se mit à hurler. Elle se vit hurlant, raide comme pic, les bras ballants, la bouche grande ouverte. Son cri s'épaissit de l'odeur de sang, de merde et de pisse qui emplissait la pièce. Elle vomit, quand elle n'eut plus de souffle. Aux pieds de Gianni. Là où on pouvait lire, écrit à la craie sur le parquet : "Cadeau pour mademoiselle Bellini. A plus tard." Francesco, le frère aîné de Gianni, fut assassiné le matin de son départ d'Orvieto. Beppe avant qu'elle n'arrive. Sa traque avait commencé.
(…)
J'avais tourné la tête et laissé mon regard filer vers l'horizon. Là où la mer devient plus sombre. Plus épaisse. Je m'étais dit que la solution à toutes les contradictions de l'existence était là, dans cette mer. Ma Méditerranée. Et je m'étais vu fondre elle. Me dissoudre, et résoudre, enfin, tout ce que je n'avais jamais résolu dans ma vie, et que je ne résoudrai jamais. L'amour de ces deux vieux me faisait chialer.
(…)
Six étages plus haut, je repris mon souffle devant la porte de chez Babette. L'appartement était tel que je m'en souvenais. Magnifique. Une immense baie vitrée donnait sur le Vieux-Port. Avec, au loin, les îles du Frioul. C'était la première chose que l'on voyait en entrant, et tant de beauté vous prenait à la gorge. J'en bus tout mon soûl. Une fraction de seconde. Parce que le reste n'était pas beau à voir. L'appartement était sens dessus dessous. On était passé avant moi.
Ma photo me regardait. J'eus envie d'une bière. Nous ne sommes beaux que par le regard de l'autre. De celui qui vous aime. Un jour, on ne peut plus dire à l'autre qu'il est beau, parce que l'amour a foutu le camp et que l'on n'est plus désirable. On peut alors enfiler sa plus belle chemise, couper ses cheveux, laisser pousser sa moustache, rien n'y changera. On n'aura droit qu'à un « ça te va bien» , et non plus au « tu es beau» tant espéré, et prometteur de plaisir et de draps froissés.

Manu - 20 avril 2001 Moi je pense que Solea représente toute la haine humaine, que l'on peut aussi retrouver dans La Haine ou dans le spectacle Roméo et Juliette. Très bon livre, très bien écrit. Babeth - 6 avril 2001 Comme tous les livres d'Izzo, voici un roman qui m'a fait frémir, vibrer, ressentir des choses au-delà des mots. Il faut lire tout Izzo, et notamment Les Marins perdus. Depuis que j'ai découvert cet auteur, je rêve de découvrir le Marseille des petites gens, m'imprégner de cette atmosphère très particulière où malgré des aspects particulièrement noirs, la vie semble toujours renaître avec le soleil sur la cité phocéenne.