Une vie de chien
                Peter Mayle
  Nil Editions
 
 
Note : 16/20

« Il y avait beaucoup trop de monde pour fêter ma naissance et je n'aurais, pour ma part, invité aucun d'entre eux. Au début, je ne pouvais même pas les voir, car il faut quelques jours aux yeux pour s'ouvrir, mais ils savaient faire sentir leur présence. Essayez donc de prendre votre petit déjeuner avec les membres d'une équipe de football qui se battent pour s'emparer du même bout de tartine, et vous comprendrez ce que j'ai vécu. Un véritable pandémonium : chacun pour soi à jouer des coudes et pas le moindre effort pour se tenir bien à table. A l'époque, j'étais jeune, évidemment. Je ne pouvais pas imaginer les difficultés à venir, mis à part quelques bousculades et quelques horions à l'heure des repas. Je me trompais. »
Voilà, le ton est donné. Une vie de chien est le récit drôlissime du quotidien à travers le regard d'un bien brave toutou, Boy.
Voué à devenir chien de chasse, son avenir va tourner court lorsque son maître découvre qu'il a peur des coups de fusil. Certes, il ne rechigne pas à musarder les poulets ou les chats mais sa vie à lui, c'est couvre-lits confortables et pâtées grand luxe. Boy est résolument un chien de compagnie. Heureusement pour lui, la Provence compte aussi de braves Anglais prêts à recueillir les pauvres âmes égarées. C'est ainsi que commence la vie de château, en compagnie de La Direction et des deux vieilles chiennes labrador. Mais Boy a encore beaucoup à apprendre du monde civilisé et c'est avec un véritable plaisir que l'on lit son éducation.

« Comme je l'ai peut-être mentionné, j'aime bien avoir quelque chose à mâcher quand l'envie m'en prend - quelque chose de vivant de préférence, mais cela veut dire l'attraper d'abord et, je ne sais pas pourquoi, ce n'est pas du goût de la Direction. Alors, faute de mieux, je dois en général me contenter d'un objet inanimé tel qu'un bâton, la couverture du labrador ou la chaussure d'un invité. Morne récolte, dans l'ensemble, même si j'ai réussi une fois à m'emparer de l'ours, en peluche d'un enfant. Le combat, je dois dire, n'a pas été trop dur. Il y a eu bien des larmes et des récriminations sur les dépouilles, des gémissements et des grincements de dents, suivis d'une détention en isolement pour le vainqueur. En outre le rembourrage de l'ours me donna une crise de foie. Tout de nos jours est fait de ces fibres synthétiques qui, je peux vous le dire, sont extrêmement indigestes. Si jamais vous avez mangé du calamar dans un mauvais restaurant italien, vous comprendrez ce que je veux dire.
Ce fut peu après l'incident de l'ours en peluche qu'on m'offrit ma première balle de tennis et elle me plut tout de suite. Bien ronde, élastique et assez petite pour la porter d'un côté de la bouche tout en aboyant de l'autre, elle fut pendant des semaines mon inséparable compagne. On peut donc imaginer à quel point je me sentis vexé quand le réfugié de Queen's arriva un beau jour, jeta un coup d'œil à ma balle et ricana. "Ce n'est pas une balle homologuée, déclara-t-il. D'ailleurs, elle a perdu ses poils, elle est sale et n'a plus de forme." Ma foi, on pourrait en dire à peu près autant de pas mal d'invités que j'ai vus à la maison, mais je ne suis pas pour les insultes gratuites. Etre bienveillant avec tous, voilà ma règle de vie, dès l'instant où ils savent se rendre utiles avec les biscuits.»

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