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Retrouver ses vieux amis de l'université, quoi de plus
sympathique ! Seulement, quand on commence à évoquer les parcours de chacun,
certains se rendent bien compte qu'ils ont, comment dit-on déjà... raté
leur vie ? En tous cas, c'est ce que la majorité d'entre eux pensent.
Patrick et Caroline Chance reçoivent dans leur charmante propriété de
Bindon leurs vieux copains de fac qu'ils n'ont pas revus depuis dix ans.
IL y a Charles Mobyn et son aristocrate de femme, Cressida, Stephen, l'éternel
étudiant et sa femme Annie, Don Roper, le pro du tennis et sa fille Valérie.
N'oublions pas les enfants, Georgina, la fille de Caroline que tout oppose
à la gauche Nicola, la fille d'Annie. En résumé, des gens qui s'appréciaient
il y a dix ans mais qui désormais n'ont plus rien à voir.
Jusqu'ici tout se passe à peu près bien malgré les convoitises et les
jalousies qui commencent à resurgir mais c'est sans compter sur l'arrivée
imprévue d'Ella. Invitée en douce par Georgina, son apparition est loin
de susciter la joie de tout le monde, en particulier celle de Charles,
son ex-mari. Et les problèmes de Charles sont loin d'être terminés...
Vous passerez certainement un agréable moment avec ce roman divertissant
et satyrique. Sa peinture de la nouvelle bourgeoisie anglaise est fraîche
et n'est pas sans rappeler, comme l'indique la quatrième de couverture,
Peter's friends, le film de Kenneth Branagh.
Patrick sourit
encore une fois à Stephen, puis il se détourna. Il avait du mal à contenir
son euphorie à l'idée d'avoir enfin réussi à boucler cette affaire cruciale.
Il gardait les yeux baissés sur ses mains, incapable de dissimuler l'air
rayonnant qui paraissait sur son visage. Sa prime de cent mille livres.
Cent mille livres ! Il s'accrocha au dossier du fauteuil qui était devant
lui et il inspira profondément. Il avait eu beaucoup de mal à garder son
calme pendant cette lente manoeuvre durant laquelle il avait amené Stephen
à signer pour la somme exacte qu'il lui fallait. C'était du pur travail
d'artiste, cette façon dont, pour viser juste, il avait dosé placidité
et enthousiasme, maintenu un ton de voix chaleureux et un sourire rassurant,
ne forçant jamais, invitant seulement. Quand ils en étaient arrivés à
la signature proprement dite, il avait failli perdre son calme. A voir
Stephen en suspens au-dessus du document, stylo en main, examinant le
texte, l'air d'hésiter, il avait été pris d'un désir violent, effrayant,
de lui abaisser de force la main sur le papier. Mais il avait tout de
même réussi à garder une jovialité apparente, prenant appui du bout des
doigts sur le dossier de Stephen avec une patience crispée, et sans brusquerie
dans la voix.
Et, finalement, la chose s'était faite. Stephen lui avait signé un montant
de quatre-vingt mille livres. Patrick ne voulait pas savoir si c'était
une bonne opération pour Stephen. Il lui avait expliqué en quoi consistait
ce placement, il l'avait laissé juge - c'était Stephen qui avait pris
la décision, pas lui. Et puis, quatre-vingt mille livres, après tout,
ce n'était pas une telle somme. Surtout comparée aux affaires qu'il avait
faites pendant le reste de l'année. Il pensa avec ravissement à la liste
de ses opérations dans le tiroir de son bureau : il n'avait
plus qu'à y inscrire les résultats finaux. Cette année encore, c'est lui
qui aurait le mieux vendu. Et il en serait largement récompensé. Il regarda
sa fille, qui jouait si bien au tennis et riait aux éclats quand Charles
faisait semblant de rater toutes les balles qu'elle lui envoyait, et il
savoura son triomphe. A présent, ils allaient pouvoir acheter une autre
maison, un autre poney - tout ce que Georgina désirait, elle l'aurait.
Ses yeux s'arrêtèrent sur Charles et il éprouva une certaine colère à
l'idée de n'avoir pas pu conclure l'affaire avec ce sale radin. En fin,
il pourrait toujours faire affaire avec lui plus tard. Tandis que Stephen...
Patrick hocha la tête. C'était bien la dernière personne qu'il aurait
imaginé avoir pour client. Il ne lui était seulement jamais venu à l'idée
de lui proposer quoi que ce soit. Mais quand on savait vendre, on devait
pouvoir vendre à n'importe qui. Et, cet après-midi, Patrick s'était surpassé.
Soudain, dans son excitation, il fut incapable de rester en place et il
alla retrouver Caroline. Il laissa errer ses mains sur ses hanches et
fourra son nez dans son cou.
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