L'armure de vengeance
                                  Serge Brussolo
 
  Le livre de Poche
  1998
  317 pages
Note : 17/20

Une nouvelle aventure du chevalier Jehan de Montpéril (voir Le château des poisons) où cette fois l'horreur et la cruauté sont encore plus au rendez-vous. Que cache donc véritablement l'armure sable de Jod le forgeron ? Est-ce un démon ou le poids des secrets ?

C'était la nuit des châteaux forts, quand l'obscurité avale les formes de la bâtisse et la réduit à une montagne creuse sur laquelle s'acharne ce vent dont on ne perçoit le souffle nulle part ailleurs mieux que sur un chemin de ronde. C'était l'odeur de la pierre mouillée, de la caverne primitive d'où l'humanité était sortie en rampant. Cette impression étrange de ne plus faire vraiment partie du monde mais d'être juché sur un caillou tombé de la lune, de monter la garde sur un astre naufragé, tout de granit. Un sentiment insolite vous saisissait alors, une exaltation orgueilleuse, la fierté farouche de dominer le petit peuple, d'être là, enraciné sur la roche, maître des hauteurs, plus près de Dieu qu'aucun des vilains traînant sur la plaine. Une alliance entre la pierre des murailles et le fer du haubert qui vous couvrait le corps. Matières nobles, qui en s'entrechoquant produisent des étincelles. Oui, Montpéril avait connu tout cela, cette ivresse trompeuse du guetteur qui, levant la tête, cède soudain à l'illusion qu'il pourrait planter sa pique dans le ventre rond de la lune. Et puis ...Et puis la réalité vous reprenait, avec l'odeur de la merde, de la pisse, ruisselant le long des remparts par les trous d'évacuation des murs ; la puanteur des douves, qu'on eût aimé remplies d'eau mais qui, la plupart du temps, servaient à entasser les détritus d'une demi-année. Et cela montait, en vapeur épaisse les jours de forte chaleur, cela fermentait jusqu'à prendre feu. Jehan connaissait bien la sourde oxydation des ordures, cette brûlure de braise qui court, sournoise, invisible, sur la croûte grise des déchets, si vive qu'on peut s'y rôtir les pieds si l'on commet l'erreur de s'y enfoncer. Enfant, il y mettait à cuire des navets, des petits poissons, des oisillons dont il se régalait ensuite avec ses compagnons.

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