Une maison de rêve
                Madeleine Wickham

  Editons Belfond
  199
  296 pages
Note : 13/20

Dans la paisible ville de Silchester, dans la banlieue de Londres, le marché immobilier est au plus bas et ce n’est pas pour faire le bonheur de Liz et Jonathan Chambers. Leur acquisition récente d’un cours privé les a contraint a multiplié les emprunts bancaires et seule la vente de leur ancienne maison pourrait les sortir du marasme. La rencontre fortuite entre Liz et Marcus Whiterstone, le directeur de l’agence immobilière, va cependant tout bouleverser. En un tour de main, il s’arrange pour leur trouver, à défaut d’acheteurs, des locataires en la personne de Ginny et Piers, deux jeunes londoniens un peu bohèmes. Et il profite de l’occasion pour séduire Liz… qui succombe sans peine aux charmes de ce gentlemen distingué. Il faut dire que, malgré toute sa gentillesse et sa bonne volonté, Jonathan, le mari de Liz, fait pâle figure à côté de Marcus. Timide et peu sûr de lui, il multiplie les maladresses et a bien du mal à s’imposer vis-à-vis du personnel enseignant du cours privé. Quant à leur fille, Alice, une adolescente en pleine crise, elle leur rend la vie impossible. Marcus, de son côté, se débat avec une femme trop ambitieuse et dirigiste qui s’est mis en tête de faire obtenir une bourse d’étude à leur fils aîné, quitte à lui faire oublier qu’il est encore un enfant ! Alors, quand tout ce petit monde se rencontre, se séduit, s’énerve et se dispute, on n’est pas loin de la catastrophe…
« Une maison de rêve » est un livre divertissant mais on ne retrouve pas l’humour de « Un week-end entre amis ». Certes, ça se lit facilement et ce n’est pas trop fatiguant. Pas assez peut-être justement… car l’histoire manque d’inventivité et est un peu décevante. Même si la psychologie des personnages est bien cernée, ce roman ne vous laissera pas un souvenir impérissable. Il ressemble en effet un peu trop à tout ce qui s’est déjà écrit dans le genre réaliste et quotidien. La maison a beau être de rêve, on ne parvient pas vraiment à rêver et s’évader.

L'air fraîchissait, Alice sentit quelques gouttes de pluie. Indécise, elle tripota son briquet. Au départ, elle n'avait pas eu l'intention de venir ici. Elle voulait juste trouver un endroit pour fumer en paix, peut-être sur la pelouse, au pied de la cathédrale. Il fallait reconnaître que le fait d'habiter le cours privé présentait au moins un avantage : le centre-ville était plus proche. Mais, bien qu'elle soit partie dans cette direction, elle n'avait pas rejoint le quartier de la cathédrale. Ses pas l'avaient imperceptiblement guidée vers l'ouest, reprenant l'itinéraire d'autrefois, lorsqu'elle rentrait à pied de Sainte-Hélène, son ancienne école. Et voilà qu'elle se retrouvait dans Russel Street...
Etrange, tout de même, qu'elle ait suivi son instinct au lieu de la direction initialement choisie. Comme hypnotisée, ou en proie à un accès de somnambulisme. Elle en parlerait à Geneviève dans sa prochaine lettre. Il m'est arrivé quelque chose d'étrange, commencerait-elle. Non, quelque chose de bizarre - l'adjectif préféré de Geneviève... sans doute en train de démontrer aux habitants d'Arabie Saoudite que tout était bizarre chez eux, à commencer par eux-mêmes, peut-être. Elle pouffa de rire en imaginant sa meilleure amie en plein désert, dans un vieux Levis dont elle avait coupé les jambes, en train d'expliquer à un Saoudien en djellaba blanche à quel point il était bizarre.
Le briquet d'Alice était un cadeau d'adieu de Geneviève. Celle-ci l'avait caché dans une boîte indienne en bois sculpté, soigneusement emballée, qu'elle n'avait pas hésité à lui offrir en présence de leurs parents à toutes deux. Alice avait cru s'évanouir en découvrant son contenu. Evidemment, il avait fallu que sa mère s'extasie sur la boîte, et qu'elle demande à en admirer l'intérieur. Alice avait foudroyé Geneviève du regard, tandis que celle-ci, hilare disait : "Enfin, Alice, montre-la à ta mère." Pour finir, Alice avait du froisser l'emballage et y fourrer subrepticement le briquet, pour le récupérer le lendemain dans la corbeille à papier.
Chromé, aussi lisse et compact qu'un galet, il reposait à présent au creux de sa main. Furtivement, elle vérifia que la rue était déserte. Pourquoi n'irait-elle pas fumer sa cigarette dans le garage ? Après tout, il leur appartenait toujours. Comme la maison, d'ailleurs. Elle regretta de ne pas s'être munie de la clef de la porte d'entrée : elle aurait alors pu s'installer dans la cuisine, ou dans le salon. Ou dans n'importe quelle autre pièce.
Prenant un air aussi naturel que possible - malgré la certitude qu'elle ne faisait rien de mal -, elle traversa et alla jusqu'au numéro 12. La grille s'ouvrit avec un grincement familier. Si Alice ne s'était pas écartée machinalement des rosiers bordant l'allée, elle aurait déchiré son nouveau caleçon noir. En proie à un sentiment de culpabilité ridicule, elle parcourut rapidement la pelouse, puis gagna le jardin derrière la maison.
A coup sûr, ses parents n'avaient pas réparé la serrure de la porte du garage donnant sur le jardin. Elle la poussa d'un coup d'épaule et pénétra dans la pénombre familière. Même si les piles de journaux qui leur faisaient des sièges confortables, à Geneviève et à elle, avaient disparu, elle trouva un coin assez propre et s'assit. Elle chercha ses cigarettes, referma la main sur son briquet, l'alluma et, renversant la tête en arrière, elle aspira voluptueusement une longue et réconfortante bouffée.

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