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Les Marseillais, ils sont Français mais avant tout, ils sont Marseillais ! C'est parce qu'ils aiment leur ville et en sont fiers. Alors imaginez si quelqu'un osait toucher au Vieux-Port, au stade Vélodrome ou à la Bonne Mère ? Ce serait la révolution ! Les Marseillais, ils mettraient le feu à ces empêcheurs de tourner en rond. Oh, petit, est-ce que tu comprends ? Tu touches pas à Marseille ! C'est cette fierté et cet amour pour une ville que Delphino nous décrit à travers cette aventure rocambolesque qui tient de Pagnol par ses accents chantants et de Peter Mayle (?! Voir Le diamant noir pour ce même sens de la mise en scène). L'histoire Sur fond de dialogue à la Raimu, nous voilà plongé dans une sordide histoire de corruption électorale. Il est vrai que l'Hôtel de Ville, sur le Quai des Belges, suscite de violentes convoitises en ces temps de renaissances nationalistes. Alors pourquoi ne pas s'allier à un mafieux russe ? La course à la mairie, quand on est sans scrupule, mérite bien quelques sacrifices, quitte à ce que ce soit la fierté de la ville qui en pâtisse. Mais Vieux Switch et Le Marseillais, eux, n'ont pas dit leur dernier mot ! Car vendre le Vieux-Port, peuchère, il fallait oser ! De mémoire de Marseillais, on avait jamais vu ça ! Alors cela mérite bien qu'on s'escagasse un peu ! Bon, c'est sûr, les dialogues sont parfois un peu trop caricaturaux et les Marseillais auront sans doute du mal à s'y reconnaître. Mais, nous souhaitions saluer ce coup de gueule contre une Politique qui ne respecte plus rien. Car si, comme chez Izzo, tout ceci n'est qu'un roman, la vérité n'est pas très loin. Le Marseillais balaya d'un geste de la main le Vieux Port à moitié vide et le balai des convois exceptionnels :
- Ça ! Vider le Vieux Port pour mieux le vendre ! C'est à cause
de toi ?
- Oui... Non ! Moi, je fais qu'obéir aux ordres ! - Oh putain ! Toi aussi ? - Que voulez-vous que je... - A force d'obéir aux ordres, il reste plus que des décérébrés du bulbe, ici ! Qu'est-ce que tu dirais si j'allais chez toi et que je vende ta maison sans t'avertir ? Le Marseillais fit valdinguer le petit chef à dix mètres et se retourna vers la foule silencieuse. La révolte en berne, le regard fuyant, le peuple de Phocée gardait un silence assourdissant. Quand le Marseillais se mit à les haranguer, ils opérèrent discrètement un quart de tour sur eux-mêmes, juste histoire de ne pas recevoir la flopée de reproches plein fer. - Alors, y'en a pas un qui bouge ! On vous escane le Vieux Port et vous bronchez pas une oreille ? Regardez-vous : vous badez comme une armée de santons et vous vous dites Marseillais ? Figurines Panini que vous êtes ! Fatigués de la vie ! Lyonnais ! A cet instant, trois hommes encadrés par une bonne vingtaine de CRS s'avancèrent à petits pas pressés. Costumes bleu marine réglementaires, cravates relookées façon journal de vingt heures et mains manucurées : des politiques en campagne, sans l'ombre d'un doute. D'une voix de stentor, le Marseillais les reçut avec un tonitruant : - Et voilà les gravures de mode ! Il manquait plus qu'eux ! (…) Vieux Switch alluma une blonde. Il était bien. A ses pieds, la Méditerranée explosait de lumière. De là, il pouvait voir jusqu'aux côtes tunisiennes ou marocaines. Il fallait juste une bonne vue, et un rien d'imagination. Malgré tout, il se disait que sa ville avait bien changé en moins d'un siècle. Avant, à l'époque des trois-mâts et des goélettes, la route de l'Orient débouchait directement sur le Vieux Port. Il y avait alors moins de nationalités au siège de l'ONU que dans les rues Thubaneau ou Curiol. Moins de tapins à dix sacs et de marlous, aussi. Tous les enfants de la Méditerranée se mélangeaient avec la bénédiction de la Bonne Mère dans de grands éclats de rire et de coups de sang. Dans les années soixante, tout avait commencé à se gâter. Les politiciens avaient soudain décidé de nettoyer le centre ville. Ils avaient voulu en faire un exemple de normalité. Et les cités comme celle de la Castellane avaient poussé dru sur les mornes désertiques. Au fil des années, des centaines de milliers d'Arabes, d'Italiens, d'Espagnols ou de Portugais avaient été déménagés du centre pour être parqués là. Puis étaient venus les Comoriens, les Gabonais, les Soudanais, les Vietnamiens, les Chinois, les Gitans et toute une frange désespérée, chassée d'Europe de l'Est. En situation plus ou moins régulière, avec ou sans papiers, ils avaient atterri à la Busserine, à Bassens ou encore à Font-Vert, à Simiane et aux Flamands. Les politiciens avaient gagné leur pari : le centre ville s'était vidé comme un poulet égorgé. Les ensembles de bureaux avaient remplacé les habitations. Dès dix-huit heures, la Canebière était désertée. Il ne restait plus que quelques tapins en détresse, place de l'Opéra. Ultime outrage : le Cintra, un vieux café aux boiseries et aux buveurs légendaires, avait été remplacé par un Mac Donald flambant neuf. Le tout, sur le Vieux Port, au bas de la Canebière.
Vieux Switch avala son verre de gin. Décidément Marseille et Rio de Janeiro
étaient soeurs jumelles. Au sud, les riches. Au nord, les pauvres. Au
milieu, le centre industrieux privé d'âme.
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